Lucky Beli

Chronique épique d'un cynisme suranné

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mercredi, mai 19 2010

(1821-1867)

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.

Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma douleur, donne-moi la main ; viens par ici,

Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées ;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;

Le Soleil moribond s'endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.


Baudelaire, les Fleurs du Mal, Recueillement.

mercredi, mai 19 2010

La chambre d'hôpital

(à lire en écoutant ça)

Il ouvre les yeux. Il ne sait pas comment il a atterri ici. Une lumière blafarde pénètre par l'interstice de la porte. Une douleur vive et lancinante lui vrille la tête. Le seul bruit qu'il perçoit est celui du bip lent et régulier d'un moniteur qui se trouve à ses côtés. Il ferme alors les yeux, longuement: il préfèrerait croire qu'il ne s'agit que d'un rêve. Il soulève à nouveau ses paupières sans parvenir vraiment à distinguer ce qui l'entoure. Devant lui, une ombre se dessine peu à peu puis s'évapore. Le temps d'une seconde il aurait juré qu'elle était là. Cette fois, c'est son coeur qui hurle, comme percé de mille lames, déchiqueté, et il lui faut le faire taire. Alors il retire un à un les fils qui couvrent sa poitrine. Plus rien ne le retient désormais. Il parvient tant bien que mal à se lever. Ses pas sont hésitants et lourds et il rejoint difficilement la fenêtre qui s'ouvre dans un dernier effort. Une brise légère vient lui caresser le visage. Pas une lumière. Il entend juste quelques voitures qui filent au loin vers d'autres contrées. Lui, il n'ira plus nulle part. Il escalade le rebord et il est maintenant debout sur le montant. Il jauge la hauteur sous ses pieds. Une vingtaine de mètres. ça lui paraît suffisant.

dimanche, mai 16 2010

Le funambule

Chaque jour, tu te demandes si tu es un peu plus loin ou un peu plus près d'elle. la sensation étrange que deux entités occupent ta carcasse et te gouvernent à tour de rôle. Chacune à leur tour. Et c'est peut-être ça, au fond, ce qui fait que tu te sens vivant. Tu te dis que si tu n'as pas envie de partir, de tout laisser derrière toi, tu ne sauras même plus pourquoi tu es resté. Alors tu vis, tu pars, tu restes. Parce que tu ne te sens bien que sur le fil. Parce que, même si le vertige te fait vaciller à chaque pas, tu te lances. Parce qu'il faut partir pour éprouver le manque et qu'il faut rester pour effleurer le bonheur. Et chacun de tes pas est ainsi suspendu entre la chute et l'envol. Ton coeur bat à tout rompre à chaque instant, mais il bat. Et c'est bien là le principal. Et tant que tu es en équilibre...

dimanche, mai 16 2010

Ce qui est précieux

Ça ne tient pas à grand chose. Des petits riens. Une main posée contre ma poitrine, une étreinte, un baiser. De ces baisers dont on croit qu'ils sont les premiers. Doux, chauds et empreints à la fois de sensualité et de tendresse. Sa respiration qui m'apaise quand, tiraillé par mes angoisses nocturnes, je me réveille en sursaut, son odeur qui me bouleverse à chaque fois que je vais me blottir dans le creux de sa nuque.

Des petits riens.

Ce que j'ai de plus précieux.

vendredi, mai 7 2010

La forteresse de papier

Je ne parviens pas à retrouver le sommeil. Mes rêves se sont envolés, enfuis je ne sais où. Ça n’a plus vraiment d’importance. C’est comme si j’étais déjà mort. Je m’enfonce chaque jour un peu plus dans les brumes ankylosantes, obscures et labyrinthiques d’un monde sans lumière. Tout est devenu vaporeux, cotonneux, impalpable. Sans avenir et sans espoirs. Les forteresses que je croyais indestructibles se sont effondrées une à une. J’ai perdu une de ces trop nombreuses batailles. Et maintenant, que reste-t-il ? Des ruines, à pertes de vue et les limbes de mon âme comme seul refuge.

mardi, avril 27 2010

Le polaroïd

"A l'intérieur, il y avait un polaroïd: Pollux Lesiak qui faisait une petite grimace. à mourir.La matérialisation du charme insaisissable qui renverse, la preuve par l'image, évidente et claire: ce visage à la fois candide et lucide, cette grimace provocante, voilà pourquoi tous les hommes courent après toutes les femmes depuis des millions d'années sans jamais réussir à les toucher. Parce qu'elles sont plus avisées qu'eux, parce qu'elles sont plus courageuses, plus clairvoyantes, plus sages, plus folles, parce que, lorsqu'elles regardent devant elles, toutes les femmes ont de la lassitude dans les yeux et de l'envie par dessus, la résignation et le défi en même temps - elles sourient, et le pauvre bonhomme ne comprend rien. Lui, soit il sait qu'il ne faut rien attendre de l'existence, reste assis et devient cynique; soit il croit bêtement que l'on peut arriver à quelque chose, se lance à l'assaut en brandissant son glaive et tombe dans le vide - et personne ne l'entend crier dans sa chute. Elle, les deux en même temps: elle sait qu'il ne faut rien attendre de l'existence, mais se lance à l'assaut malgré tout, juste pour vivre, sans peur puisqu'elle ne risque pas de tomber. J'allais essayer de faire pareil. Et d'abord, je devais arrêter de raisonner, et agir. Oui, j'allais courir après Pollux et essayer de la toucher. En dessous de la photo, sur la partie blanche, elle avait écrit son numéro de téléphone au feutre noir."

Philippe Jaenada. Le chameau sauvage.

mardi, avril 27 2010

Le trop plein

Évacuer le trop plein. C'est assez étrange comme image au fond. J'explique: J'ai rêvé que je me vomissais. Littéralement. D'abord le contenu de mon estomac. D'accord. Puis mes tripes. Ah? Et mes os. Le goût de sang dans la bouche et la désagréable sensation de croquer du cartilage. Et enfin mon coeur, tout chaud et palpitant à même le sol au milieu de mes viscères. Ce n'est pas la sensation la plus réjouissante que j'ai eue pendant mon sommeil. Pour une fois que j'étais parvenu à m'endormir. Alors je me suis levé et je suis allé me chercher un yaourt. Juste histoire d'avoir quelque chose dans le ventre.

jeudi, avril 22 2010

Le froid, l'obscurité

Encore une nuit sans sommeil. Tu as la gorge nouée et le coeur serré, c'est déjà trop tard. Tu n'as encore rien vu venir. Elle ne prévient jamais. Et alors que t'as lutté tant que t'as pu pour ne pas te laisser prendre, tu sens une larme perler sur ta joue. Tu enrages. Tu sais qu'elle a gagné, une fois de plus. Que cette putain d'angoisse a pris ses quartiers et qu'elle ne te laissera plus tranquille. Tu t'es laissé envahir et tu subis. Le froid, l'obscurité et le vide. Alors tu pleures. Tu ne sais même pas pourquoi. Et demain? tu te lèveras et tu y iras courir, pour laver l'affront de la nuit. Tu espèreras qu'il pleuve pour cacher ce visage triste et ces yeux embués au badaud qui promènera son chien, histoire de préserver le peu de dignité qu'il te reste. Histoire de ne pas te laisser complètement ronger de l'intérieur. Tu iras au travail, fraîchement rasé, avec une chemise impeccablement repassée et tu riras des blagues ineptes de tes collègues car tu sais que c'est là ta seule chance de faire illusion. Tu esquiveras les politesses quotidiennes en répondant que "oui ça va, merci" parce que tu n'auras ni la force de donner le change ni l'envie de rechuter. Et tu joueras à la perfection cette symphonie de dupes. Tu as tellement bien répété tes gammes. Pourtant, maintenant, la seule chose à laquelle tu songes est cet étau invisible qui t'étreint et t'oppresse encore un peu plus. Tu ne ressens plus de douleur, mais quelques sensations persistent et finissent de t'anéantir.

Le froid, l'obscurité et le vide.

mercredi, avril 14 2010

Le messager

Il y a des choses pour lesquelles on n' est pas particulièrement doué. Moi c'est pour la vie à deux. Je suis malheureux sans elle, c'est indéniable. Pourtant je ne sais pas si je suis vraiment heureux avec elle. Fini le désir ardent des premiers mois, à baiser pendant des heures. C'est le moment de dire "je t'aime". La suite logique. Je n'y parviens pas. Ce moment crucial où l'on passe de "on est bien ensemble" à "est-ce qu'on continue?". Et cette question en soulève tant d'autres... Ces même questions que je refuse obstinément de me poser.

L'avenir est une douce utopie. La projection en est son pire messager.

mardi, avril 13 2010

Hommage pas posthume

A y regarder de près, beaucoup de choses m'ont conduit à poster mes humeurs, mes envies, mes doutes ici même. Toutefois, s'il y a une personne qui y a outrageuseusement contribué, malgré elle, c'est Navo. J'ai découvert son univers un peu par hasard, en lisant d'abord sa myrifique bande pas dessinée. Et puis le blavog et cette écriture si juste et si sincère. Son dernier billet (23 mars 2010), un pont entre deux mondes, à la limite de la schizophrénie. Un déclic. Ne pas se complaire dans la ouate doucereuse du milieu. Vivre.

mardi, avril 13 2010

Histoire de Princesse et d'Etoiles. Prologue

- Princesse, que fais-tu ici ?

- Qui es-tu ?

- Tu ne réponds pas à ma question.

- Je me suis perdue.

- Tend ta main et prends le sac que voici.

- Qu’est-ce ? Qu’y trouve-t-on ?

- Des cailloux blancs.

Avec ceci, tu retrouveras ton chemin.

- Et un Prince charmant ?

- Je n’en suis pas un,

Et je ne puis encore t’aimer :

Nous ne nous sommes pas apprivoisés.

Pour que les fleurs éclosent, il faut un jour les graines semer.

- Mais alors, qu’est-ce que j’y gagne ?

- D’abord sur ta bouche un baiser,

Et du vent pour gonfler nos voiles,

Puisque si tu le veux bien, sur ce chemin je t’accompagne

Et nous nous laisserons guider par notre bonne étoile.

lundi, avril 12 2010

L'envie

Un simple tag sur un mur. C'est comme ça que cette aventure a commencé. Il fallait un début sans doute.

Quelques mots marqués avec fébrilité et empreints d'une candeur et d'une poésie bouleversantes: "Béli tu est la femme de ma vie. Je veux te rendre heureuse" J'ai ressenti alors la nécessité impérieuse de communiquer les impressions, l'émotion qui m'ont parcouru l'échine à la lecture de ces lignes. Nécessité, ce n'est pas tout à fait le terme approprié. Il serait plus juste de parler ici d'envie. L'envie de raconter, de laisser une trace. L'envie de rédemption ou d'exutoire .

L'envie.

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