Lucky Beli

Chronique épique d'un cynisme suranné

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Fiction

Fil des billets

samedi, septembre 25 2010

Musique de fin

(retour du billet sonore)

Tu fermes le robinet. Quelques gouttes s'y échappent encore et s'échouent bruyamment dans le bain que tu viens de faire couler. Une vapeur presque opaque a envahi la pièce et s'est condensée sur les miroirs. La plaie que tu as sur le flanc est profonde et vive. Tu as perdu beaucoup de sang. Ta chemise en est maculée. Tu sers les dents pour la retirer, tu n'as même plus la forcer d'ôter ton pantalon. Alors tu plonges dans l'eau qui s'imprègne de volutes rougeâtres. La douleur se tait quelque peu, même si l’hémorragie semble plus intense. L'eau n'est qu'une mare rouge unie qui contraste avec l'émail éclatant de la baignoire. Tu fermes les yeux et repenses à la série d'évènements qui t'ont conduit jusque là, même si tu n'en comprends pas le quart. De toute façon, tu n'as plus vraiment la force de te poser des questions, ni même celle de lutter. Tu glisses un peu plus dans l'eau. Ta tête n'est plus qu'à moitié hors de l'eau. Tu rouvres les yeux et tu te laisses complètement immerger dans cette bulle chaude où les sons te parviennent atténués. Tout y est plus doux. Tu ne remonteras pas.

samedi, juillet 24 2010

Le genou à terre

Tu t'écroules. Il y a eu cette salve de coups, des séries de crochets et d'uppercuts. Puis des cris vaporeux et lointains, un clapotis sourd au creux de tes oreilles et le silence absolu. Tes jambes chancelantes n'ont plus supporté ton propre poids. Alors tu as posé le premier genou au sol. Tu as baissé ta garde bien trop vite. Bien trop tôt. Ces premiers coups, tu les as encaissés sans broncher, mais ils t'ont démonté peu à peu. Alors, tu as été moins vif, tes pas sont devenus lourds et tes frappes hésitantes. Et tu n'as pu que subir, inéluctablement, les coups portés aux flancs, aux reins, aux côtes. La chair et les os.
Décompte. 1. (...). 2. (...). 3. Tu lèves la tête. Du sang perle le long de ta tempe en gouttes épaisses. Ta vision est floue, ta tête va imploser. Tu ne te relèveras pas. 4. 5. Ton corps, cotonneux, ne ressent plus la douleur et, même si les choses autour de toi reprennent forme, tu sais qu'il te sera impossible de reprendre le combat. 6. Il te reste 4 minuscules secondes: tu dois te battre. D'abord contre toi. Ce sera ta première victoire. 7. Tu réunis tes dernières forces. Tu n'as qu'une infime chance de pouvoir aller au bout. Au bout de toi-même. 8. D'abord les bras, le buste. 9. Puis le genou, celui qui a plié et t'a fait choir. Et enfin, les jambes. Elles ne tremblent plus.
Tu es à nouveau debout, prêt à bondir, la mâchoire crispée. Tu te laisses quelques instants pour serrer les doigts entravés dans tes gants et te redonner du courage. Tes yeux sont devenus profondément noirs, du noir des ténèbres. Là où l'espoir ou la souffrance n'ont plus raison d'être. Alors il n'y a plus de doutes, de douleurs et d'orgueil. Mais de la rage.

mercredi, mai 19 2010

La chambre d'hôpital

(à lire en écoutant ça)

Il ouvre les yeux. Il ne sait pas comment il a atterri ici. Une lumière blafarde pénètre par l'interstice de la porte. Une douleur vive et lancinante lui vrille la tête. Le seul bruit qu'il perçoit est celui du bip lent et régulier d'un moniteur qui se trouve à ses côtés. Il ferme alors les yeux, longuement: il préfèrerait croire qu'il ne s'agit que d'un rêve. Il soulève à nouveau ses paupières sans parvenir vraiment à distinguer ce qui l'entoure. Devant lui, une ombre se dessine peu à peu puis s'évapore. Le temps d'une seconde il aurait juré qu'elle était là. Cette fois, c'est son coeur qui hurle, comme percé de mille lames, déchiqueté, et il lui faut le faire taire. Alors il retire un à un les fils qui couvrent sa poitrine. Plus rien ne le retient désormais. Il parvient tant bien que mal à se lever. Ses pas sont hésitants et lourds et il rejoint difficilement la fenêtre qui s'ouvre dans un dernier effort. Une brise légère vient lui caresser le visage. Pas une lumière. Il entend juste quelques voitures qui filent au loin vers d'autres contrées. Lui, il n'ira plus nulle part. Il escalade le rebord et il est maintenant debout sur le montant. Il jauge la hauteur sous ses pieds. Une vingtaine de mètres. ça lui paraît suffisant.