Encore une nuit sans sommeil. Tu as la gorge nouée et le coeur serré, c'est déjà trop tard. Tu n'as encore rien vu venir. Elle ne prévient jamais. Et alors que t'as lutté tant que t'as pu pour ne pas te laisser prendre, tu sens une larme perler sur ta joue. Tu enrages. Tu sais qu'elle a gagné, une fois de plus. Que cette putain d'angoisse a pris ses quartiers et qu'elle ne te laissera plus tranquille. Tu t'es laissé envahir et tu subis. Le froid, l'obscurité et le vide. Alors tu pleures. Tu ne sais même pas pourquoi. Et demain? tu te lèveras et tu y iras courir, pour laver l'affront de la nuit. Tu espèreras qu'il pleuve pour cacher ce visage triste et ces yeux embués au badaud qui promènera son chien, histoire de préserver le peu de dignité qu'il te reste. Histoire de ne pas te laisser complètement ronger de l'intérieur. Tu iras au travail, fraîchement rasé, avec une chemise impeccablement repassée et tu riras des blagues ineptes de tes collègues car tu sais que c'est là ta seule chance de faire illusion. Tu esquiveras les politesses quotidiennes en répondant que "oui ça va, merci" parce que tu n'auras ni la force de donner le change ni l'envie de rechuter. Et tu joueras à la perfection cette symphonie de dupes. Tu as tellement bien répété tes gammes. Pourtant, maintenant, la seule chose à laquelle tu songes est cet étau invisible qui t'étreint et t'oppresse encore un peu plus. Tu ne ressens plus de douleur, mais quelques sensations persistent et finissent de t'anéantir.

Le froid, l'obscurité et le vide.