Ca fait 15 ans que j'ai plus 15 ans ('fin grosso modo, mais on n'est pas là pour compter, c'est surtout pour la figure de style, hein). Et pourtant, j'ai l'impression d'être retombé à cet âge ingrat où ta voix monte encore dans les aigus par saccades, où tu comptes désespérément tes poils et tes boutons (en attendant le jour où tu auras plus de premiers que de seconds) et où la seule chose qui compte vraiment c'est de savoir si tu plais à la fille là-bas, tu sais la petite mignonne assise au deuxième rang (autant dire que c'est super important le rang, au lycée, parce que clairement tu ne vas convoiter ni l'intello moche assise devant ni la BMC (acronyme adolescent de "bonne mais conne"; ndlr) du fond de la classe aux allures de pétasse qui fait éclater bruyamment sa bulle de chewing-gum en se balançant sur sa chaise (et je m'aperçois que je tombe à peine dans le cliché, parce que dans mes souvenirs, ça ressemblait vraiment à ça)), avec ses beaux cheveux et tout, autant qu'elle elle te plaît (ah, avec toutes ces parenthèses à la con, t'as perdu le fil, pas vrai?). Tout un programme. 15 ans, je vous dis. Une éternité que j'avais pas ressenti ça. Je veux dire ces petits frissons et le coeur qui tambourine comme un sourd. Alors je deviens dégoulinant de mièvrerie (un vrai marshmallow micro-ondé (ne reproduisez pas cette expérience chez vous)), perdant jusqu'à mon cynisme et mon sens de la répartie. Pour le cynisme, ok, je me dis que c'est pas plus mal, mais pour le sens de la répartie, ça va pas m'aider: je raconte n'importe quoi, en enjolivant un peu (pas trop, faut pas pousser), des petites banalités du quotidien, tout ça. C'est même pas grave. Et je souris à la moindre de ses paroles, en ponctuant ci et là ses phrases de "waoh, génial" et autres "ah ouais, comme moi!". Le pire, c'est que je le crois. Elle m'écoute et sourit à son tour. Les choses simples, évidentes, un peu futiles. Le retour des parenthèses à tout va (mouais, bon, ça, c'est surtout pour te tenir par la main, alors, même si t'es obligé de relire trois fois mes phrases pour comprendre où je veux en venir, c'est pas la peine de râler: tu verras bien que j'avais raison quand t'auras essayé de passer ton sachet de marshmallows au micro-onde). Et puis bon, faut bien reconnaître que ça fait du bien. Vraiment du bien. Parce que je me croyais même plus capable d'éprouver cette sensation. Vous savez, les phéromones, l'adrénaline, les mains un peu moites, la gorge sèche et le sourire tout niais. Ca faisait tellement longtemps. 15 ans, au bas mot (ça, c'est purement rhétorique, mais j'étais pas sûr que tu m'aies suivi...). Ok, j'ai grandi, mué, pris quelques poils et il n'y a même pas mon ex de seconde F dans mes contacts facebook. C'est pour dire. Et pourtant, même si je me sens un peu concon (en même temps, c'est pas vraiment comme si j'allais rouler ma première galoche non plus), je dois bien admettre que ça fait un bien fou (un peu comme faire du vélo sans les mains (comprenne qui pourra)) d'avoir à nouveau 15 ans.